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Pertes d’exploitation et covid-19 : mode d’emploi
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Depuis le début de la crise sanitaire, la question de l’indemnisation des pertes d’exploitation des entreprises fait débat. Cependant la quasi-totalité des assureurs refuse d’indemniser leurs assurés contre cette pandémie. Plusieurs restaurateurs ont saisi le juge pour solliciter une indemnisation. Deux ordonnances de référé ont ainsi été rendues contre la compagnie d’assurance AXA. 

Qu’est-ce que la garantie pertes d’exploitation ?

La garantie pertes d’exploitation permet à une entreprise qui fait face à un sinistre ayant entraîné la baisse ou l’arrêt de son activité de compenser la diminution de son chiffre d’affaires et de faire face à ses charges fixes (impôts, loyers, fournisseurs, etc) en contrepartie du paiement d’une indemnité. En effet, après un sinistre grave comme un incendie, les durées de reconstruction, de réinstallation et de reprise d’une activité peuvent être longues. Il s’ensuit une période d’activité réduite ou nulle et corrélativement une baisse voire une disparition du chiffre d’affaires. Le chef d’entreprise se retrouve alors dans l’impossibilité de payer ses charges. La garantie pertes d’exploitation lui permet de se replacer dans la situation économique et financière qui aurait été la sienne si le sinistre n’avait pas eu lieu. 

Souvent incluse dans un contrat d’assurance multirisques, la garantie pertes d’exploitation peut aussi faire l’objet d’un contrat d’assurance séparé : le contrat d’assurance pertes d’exploitation. En cas de sinistre, votre assureur vous verse donc une indemnité destinée à compenser cette baisse de chiffre d’affaires. 

Il existe deux types de garanties. Les garanties de base qui indemnisent la perte liée à la baisse ou à l’absence de chiffre d’affaires. Les garanties de base permettent au chef d’entreprise de payer ses charges fixes, on parle aussi de perte de marge brute. Le remboursement des frais supplémentaires engagés à cause du sinistre peuvent aussi être pris en charge, en accord avec l’assureur pour limiter les conséquences sinistres (location de matériel ou de locaux,installations provisoires,  etc). Et les garanties complémentaires souscrites par l’entreprise en fonction de la taille de l’entreprise, du secteur d’activité et de l’analyse des risques. Des frais supplémentaires additionnels, des pénalités de retard ainsi que des honoraires d’expert peuvent par exemple faire l’objet d’une assurance complémentaire. 

Que retenir des ordonnances AXA ?

La première ordonnance a été rendue le 22 mai 2020. L’assuré restaurateur avait souscrit un contrat spécifique à la garantie perte d’exploitation. L’assureur, AXA, avait refusé d’activer la garantie et a été condamné par le juge à verser une provision de 2 mois et demi de pertes d’exploitation, calculée sur la marge brute. Un expert a également été désigné par le juge pour évaluer cette perte de marge brute. Cette jurisprudence confirme donc que la voie des référés c’est-à-dire la voie de l’urgence est envisageable. 

Pour se défendre AXA invoquait que le risque pandémique n’était pas assurable car il s’agit d’un risque systémique c’est-à-dire qu’il concerne tout le monde. Le juge a estimé qu’il n’y avait aucune disposition légale prévoyant ce caractère non assurable et, après avoir vérifié le contrat, a indiqué que ce risque n’était pas expressément exclu par la police d’assurance. La compagnie d’assurance a également fait valoir que le restaurateur ne pouvait pas se prévaloir de la fermeture administrative qui n’est pas un risque garanti et qu’il devait rapporter la preuve d’un événement préalable, d’un sinistre, à la fermeture comme une inondation ou un incendie. Là encore, le juge a regardé le contrat qui ne prévoyait aucun préalable à la fermeture de l’établissement. Le risque est donc garanti.

L’ordonnance du 10 juin 2020, rendue à l’encontre de l’assureur AXA, concernait une clause de garantie contenue dans un contrat multirisques. Le restaurateur a activé la garantie mais l’assureur a invoqué une clause d’exclusion prévoyant que si au moins 1 autre établissement faisait l’objet d’une mesure de fermeture dans le même département, l’assureur ne prenait pas en charge la couverture du risque. L’assuré avait alors saisi le juge des référés considérant que la clause d’exclusion était abusive car elle vidait complètement la garantie de sa substance pour lui demander de réputer la clause non écrite. Le juge a d’abord considéré que la clause d’exclusion était assez large et qu’elle atteignait le but de la garantie. Comme l’exclusion n’est pas totale et limitée, il a considéré qu’il fallait analyser toutes les clauses du contrat. Comme l’interprétation du contrat relève du juge du fond (tribunal de commerce), le juge des référés a rapidement renvoyé le dossier au juge du fond. 

Quelles  sont les étapes à suivre et les points de vigilance à avoir en tête pour constituer votre dossier face à votre assureur ? 

La première étape est de faire auditer votre contrat d’assurance par un avocat afin de déterminer si votre garantie peut ou non s’appliquer. Les avocats, membres du réseau GESICA, pourront ainsi se livrer à une telle analyse.

Le premier point de vigilance concerne la nature de l’événement garanti par le contrat. En effet, la garantie perte d’exploitation est un contrat d’assurance non obligatoire. Il est donc important d’examiner avec votre avocat, la police d’assurance ainsi que toutes les options que vous avez souscrites en tant qu’assuré et les éléments précontractuels échangés avec votre assureur. La difficulté concernant la pandémie actuelle réside dans le fait que les pertes d’exploitation surviennent sans dommage préalable aux biens (vol, incendie, etc). Le risque est donc que les pertes ne soient pas prises en charge en elles-mêmes. Vous devez vérifier que votre police d’assurance et les options souscrites vous garantissent contre la fermeture administrative et l’impossibilité d’avoir accès aux locaux de l’entreprise. 

Concernant le point de départ du sinistre, les assurances retiennent le déclenchement du stade 3 de l’épidémie, c’est-à-dire l’arrêté du 14 mars 2020 qui pose l’interdiction de recevoir du public à partir du 15 mars à 00h. Pour les autres commerces non essentiels, il faut retenir la date du confinement général, c’est-à-dire le 17 mars 2020 à 12h. Pour certaines activités encore, comme les traiteurs asiatiques par exemple ou le secteur de l’événementiel, il est possible de remonter plus loin, jusqu’au 28 février 2020. 

Enfin, dernier point de vigilance, pour la période d’indemnisation, vous devez retenir la  date du retour à la normale pour l’activité de l’entreprise, au minimum 12 mois à compter du sinistre.

L’audit de votre contrat et de ses clauses avec votre avocat est une étape importante car certaines clauses peuvent être contestées. Une attention toute particulière doit être portée sur les clauses d’exclusion de la garantie qui peuvent être contestées lorsqu’elles sont ambiguës, en contradiction avec d’autres clauses ou abusives. En matière d’assurance, par principe, le doute profite à l’assuré car le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion. Par conséquent, si une clause est ambiguë ou abusive, elle peut être déclarée inopposable à l’assuré. Les clauses d’exclusion sont encadrées en droit des assurances. Elles doivent être précises, limitées et formulées de manière très apparente. A défaut et en cas de besoin d’interprétation par exemple, vous pouvez demander au juge qu’il déclare la clause comme non valable. Dernière possibilité pour contester une clause : si l’assureur n’a pas respecté son obligation légale d’information sur l’existence de ces clauses. Sachez qu’avant la conclusion du contrat, votre assureur doit vous remettre plusieurs éléments dont une notice d’information contenant les garanties d’exclusion. En cas de litige, la preuve de cette obligation d’information pèse sur la compagnie d’assurance qui doit prouver qu’elle s’est bien acquittée de cette obligation. 

Après cet audit et si votre avocat vous indique que vous y avez intérêt, vous allez déclarer votre sinistre. C’est la deuxième étape. La déclaration de votre sinistre prend généralement forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception, pour des questions de preuve. Concernant le contenu de la déclaration de sinistre, vous devez viser l’article L113-2 du Code des assurances et indiquer qu’il s’agit d’une demande de règlement de vos pertes d’exploitation. Cette mention permet d’interrompre la prescription. Le délai pour déclarer votre sinistre est prévu par votre contrat. Mais la loi précise que le délai pour déclarer un sinistre est de 5 jours ouvrés après la connaissance du sinistre. Il n’est donc pas trop tard. Sachez également que la seule sanction possible en cas de déclaration tardive est la déchéance et que cette sanction doit être expressément prévue par votre contrat. De plus, l’assureur devra rapporter la preuve que le retard dans la déclaration du sinistre lui a causé un préjudice. Enfin, le code des assurances précise que vous n’encourez pas de déchéance si le retard est dû à un cas de force majeure. Or pour la jurisprudence, la covid-19 est un cas de force majeure.

Votre déclaration doit donc préciser la date du sinistre, c’est-à-dire la date de la fermeture administrative de l’établissement, détailler les préjudices et les chiffrer. Ajoutez également les documents comptables justificatifs et l’expertise financière si vous en avez effectué une. 

Troisième étape : faites chiffrer vos pertes d’exploitation par le comptable de votre entreprise ou un expert financier extérieur. 

Après remise des éléments entre les mains de votre avocat GESICA, celui-ci pourra envisager soit la négociation d’un accord soit l’instruction d’une demande en justice.

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